Comment Homo SAPIENS est devenu Homo COMPLEXUS

L’évolution sur plusieurs millions d’années qui a conduit l’hominidé à devenir un humain le place au carrefour de trois univers : la biosphère, la noosphère (l’univers des idées) et la société avec sa culture. 

Cette évolution en a fait une espèce capable de penser et plus particulièrement de s’interroger sur elle-même et son milieu. Le dualisme corps-esprit a longtemps été vu comme une opposition, les uns vantant la primauté du corps, les autres l’aristocratie de l’esprit. La compréhension de la complexité exige d’accepter la diversité dans l’unité sans que celle-ci ne gomme les oppositions. 

Edgar Morin parle alors de “deux natures, deux logiques différentes, [qui] sont liées en une unité sans que la dualité se perde dans l’unité”. Il propose de remplacer la ou les logiques verticales, exposées par les philosophies et les théories, par un dialogue entre elles, qu’il nomme dialogique, sans qu’aucune ne disparaisse dans une logique de synthèse.

Deux phrases traduisent bien ce dialogue : lorsque l’écrivain Marcel Achard dit  “Mon corps n’en fait qu’à sa tête” et que le dessinateur-caricaturiste Tomi Ungerer explique qu’“au bout de chaque doigt, il y a une petite cervelle”. L’intellectuel et l’artiste vantent ce dialogue intra-humain entre la logique de l’animal issu de la biosphère et celle de l’esprit suggérée par sa place dans la noosphère et la société.

Ce ne sont pas seulement deux logiques différentes que l’humain intègre mais bien plus. Il n’est pas uniquement “intelligent, sage, raisonnable, prudent” comme le laisserait penser le qualificatif de sapiens. Il est en même temps “sapiens” et “demens”,  « faber » et « mythologicus » , « œconomicus » et « ludens », il est donc « homo complexus » (1).

Cette appartenance multiple est une formidable richesse, elle a conféré à l’humain une imagination débordante et une créativité sans limite qui ont permis au corps d’être éloigné des dures conditions terrestres, elle lui a donné accès à la beauté, au partage et à l’amour. Mais elle est aussi l’origine de tourments, de vanités destructrices et d’égarements. Elle rend les relations humaines plus complexes et est la cause de la fragilité et de l’instabilité de l’organisation de la société.

(1) Homo complexus est une expression utilisée par Edgar Morin dans son livre « Changeons de Voie »


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