Lors de ma conférence « Le respect de la vie d’Albert Schweitzer à nos jours », j’ai développé l’idée d’une ultra-prédation qui menace aujourd’hui la vie sur notre planète. Lors des questions/réponses, un auditeur a évoqué le fait que l’origine de l’ultra-prédation se situait principalement dans le surpeuplement de la planète.

Si l’ultra-prédation avait pour origine le surpeuplement de la planète, une première question pourrait être posée : qui est de trop ? Il est commode de répondre, LES AUTRES. Rassurant pour notre confort matériel et intellectuel, cette réponse omet l’essentiel.

Actuellement, l’humanité consomme en un an environ 1,7 fois les ressources que la Terre peut produire pendant cette période, à partir du mois d’août nous vivons à crédit. Cette consommation est fonction du nombre d’individus et de la consommation individuelle. Cette dernière ne peut être ignorée car la disparité est énorme : près de la moitié de la population mondiale dispose de moins de 5,5 $ / jour pour vivre. Ce n’est pas cette moitié de l’humanité actuelle qui consomme de trop !

L’ultra-prédation

Le constat implacable que l’entretien d’une vie exige d’en abîmer ou d’en détruire une autre doit interroger l’humain. La prédation est une réalité anthropologique qui illustre la complémentarité entre la vie et la mort.

Parce que la production d’un objet ou d’un service combine des ressources naturelles et vivantes, on peut affirmer que dans chaque objet ou service il y a de la vie cristallisée. Il s’agit des tranches de vie humaine (le travail), des ressources végétales ou animales. La consommation d’un produit ou d’un service conduit à sa destruction ; toute consommation est donc aussi destruction de vie, une prédation.

Pour vivre en conformité avec la civilisation qu’il a enfantée, l’humain « civilisé » est devenu un ultra-prédateur. Nos modes de vies, notre consommation effrénée et notre volonté de domination de l’univers ont conduit à une ultra-prédation, c’est bien cette partie « civilisée » de l’humanité qui est à l’origine de l’ultra-prédation. Elle est face à une ultra-complexité, la vie est devenue prédatrice de la vie.

Comment éviter que cette ultra-complexité ne devienne la complexité ultime ?

La révolte a toujours été, et est encore l’alternative à la soumission. Devant la religion de la consommation et du bien-être matériel, devant l’ultra-prédation, il faut ou se soumettre, c’est-à-dire “servir contre l’homme la marche forcenée de l’histoire”, ou se révolter et dire “non”.
La révolte est le choix d’un humain libre au nom d’une valeur supérieure commune qu’il entend défendre. Aujourd’hui, ce n’est plus seulement une valeur supérieure qui relève de la seule humanité qui est à défendre. Le bien commun qui est menacé est, tout simplement, la vie sous toutes ses formes. La révolte au nom de la vie doit dès lors embrasser l’idéal proposé par Albert Schweitzer, à savoir le respect de la vie. Après avoir dit non, le révolté “dit oui dès son premier mouvement”.

page 125 du livre Vivre est dangereux, mais c’est tellement beau

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