Élémentaire

“L’abstraction, c’est la mort de l’éthique, parce que l’éthique est une relation vivante avec la vie qui veut vivre.” Albert Schweitzer

“Notre intelligence aujourd’hui nous menace, il faut faire en sorte que notre intelligence ne soit pas un cadeau empoisonné.” Hubert Reeves


Notre « machine universelle à comprendre » nous a donné l’intelligence, la conscience d’être, l’interrogation sur le sens du monde et la fonction réflexive. Celle-ci nous permet de réfléchir à notre intelligence, de penser la pensée créant ainsi des boucles sans limite. Ces opérations réflexives sont une vraie jouissance intellectuelle, un jeu pour le plaisir de l’esprit. Jeu, mais aussi  virtualisation qui nous affranchit des contraintes du réel.

Cette virtualisation a autorisé un fantastique progrès des connaissances et une amélioration de notre condition matérielle. Mais à chaque boucle nous nous sommes éloignés un peu plus du réel élémentaire. Ainsi s’est créé un univers virtuel bien avant l’ère du numérique et des consoles. Pour profiter pleinement des effets positifs de la fonction réflexive, il faut aussi savoir refaire le chemin en sens inverse : revenir aux racines des choses, à l’élémentaire. Cela ne signifie pas revivre des situations primitives mais, au minimum, chercher les postulats d’origine pour retrouver le sens originel du mouvement et leur redonner une place centrale dans notre système de valeurs. Dans la vie courante, revenir à des situations de vie élémentaires nous conduit aussi à renouer un contact direct avec la nature et nous fait re-découvrir des bienfaits et des plaisirs profonds, comme par exemple, la chaleur et la lueur d’un feu de bois qui nous apportent les bénéfices de l’infrarouge et la lumière douce reposante. Le retour à l’élémentaire est à l’opposé du retour à l’essentiel souvent prôné aujourd’hui, l’essentiel est une abstraction subjective qui souvent sert des intérêts particuliers. 

Le retour à l’élémentaire est indispensable aujourd’hui pour deux raisons : nous permettre à nouveau d’apprendre de la vie et rééquilibrer la balance “consolidation de la vie/consommation de vies”. 

Retrouver le contact nourricier de l’apprentissage par la vie, c’est ce que j’ai sommairement esquissé dans mes propos. Ce que nous savons aujourd’hui de l’origine de la vie nous permet de nous situer dans le monde, nous éclaire sur notre modeste statut d’animal, nous fournit les bases comportementales indispensables à l’équilibre d’un système global dont nous sommes acteurs mais qui nous reste mystérieux. 

Notre capacité à créer du savoir, de la technologie puis des objets, nous a apporté de l’espérance de vie, du confort, des plaisirs. Mais nous savons aujourd’hui que ces bienfaits n’ont été possible qu’en consommant des ressources naturelles et des vies. Pour empêcher l’ultra-prédation de la vie par la vie, il est obligatoire que l’humain rééquilibre la balance “consolidation de la vie/consommation de vies” et quitte le mode d’existence qu’il a artificialisé. Le retour à l’élémentaire va lui permettre de comprendre l’interdépendance au sein de l’univers du vivant, de profiter des bienfaits primitifs de la nature. 

Pour ces deux raisons, le retour vers l’élémentaire est une bouée de sauvetage pour un monde en perdition.