Le travail en question.

Le travail, sujet de polémiques accompagnées de contre-vérités. Le travail n’est pas une valeur ou un idéal, il est une activité humaine. Le regard de l’observateur, comme toujours, est fonction de sa position, de son « point de vue ». Dans la situation du salariat, le travail est compensé par une rémunération, dans cet échange il existe donc deux points de vue, celui de l’employé et celui de l’employeur.

Revenons aux sources. A l’origine, jusqu’à une époque récente et encore dans une grande partie du monde, l’humain agit pour assurer sa survie. En amont des fonctions de production et de distribution, le travail humain a été historiquement la ressource prépondérante et elle demeure centrale. Il peut se définir comme une activité humaine impliquant un effort mental et/ou physique pour atteindre un objectif. C’est lui qui permet à l’humain d’assurer sa survie puis de couvrir ses besoins tels qu’ils émergent d’une civilisation. Le travail n’est ni liberté pure ni asservissement pur (hors de l’esclavage), il pressent une libération des contraintes imposées par les conditions d’existence. Le « droit à la paresse » apparaît alors comme une boutade d’humains gâtés qui méprisent ceux pour qui la vie ne s’est pas encore substituée à la lutte pour la survie.

Dans le cadre de l’activité de production et de distribution, le travail doit aménager ou transformer des ressources relativement rares en produits et services plus élaborés : la cueillette et la chasse ont illustré cette nécessité dans un temps reculé. Cette activité a toujours donné lieu à des échanges, limités d’abord à de petites communautés familiales ou tribales et par la suite étendus jusqu’à être planétaires aujourd’hui.

Le rapport né de l’échange du travail est particulièrement déterminant au sein de la société. C’est ainsi que le travail a probablement été la première unité de compte dans les échanges ancestraux pour évaluer la valeur des biens et services troqués. Plus récemment, cet échange va structurer la société sous l’influence des valeurs et des croyances plus ou moins partagées mais aussi des rapports de force installés et tolérés.

Par ailleurs, le travail et ses fruits (les biens et services produits) loin de préparer une libération peuvent aussi aliéner l’humainLorsque les contraintes de productivité et l’artificialisation des besoins par un marketing forcené prennent le pas, l’effort consenti se justifie-t-il ? Le choix de l’échange libre d’un travail contre un dédommagement chargé de compenser des tranches de vies est alors posé. L’échange libre en pleine conscience peut-il aider à faire face aux risques d’aliénation que le libre-échange tolère voire encourage ? 

Le regard sur le travail n’est pertinent que s’il est vu comme une partie du projet global de la société et à ce titre comme un élément de sa civilisation. La place de l’activité-travail dans le projet de société relève alors d’une pensée politique que l’on peut placer sur une échelle droite – gauche.

Les uns mettent en avant un culte du travail, jusqu’à le placer au-dessus de la vie. Alors le concept « valeur travail » a été et est encore utilisé pour le mettre au service d’une cause souvent éloignée de tout humanisme. Dans le passé, une idéologie fasciste à tenter de justifier l’injustifiable en affirmant que le travail rend libre. Plus récemment le slogan « travailler plus pour gagner plus » réduit le travail à un échange marchand qui ignore le but originel de l’activité-travail, un désir d’émancipation.

Pour les autres, l’échange harmonieux du travail contre une compensation exige un rapport de force équilibré dans le respect de chacun. Ils affirment que, comme à l’origine, le désir d’une autonomie espérée doit demeurer le moteur de l’activité-travail, ceci exige qu’elle soit librement consentie tant dans son volume que dans son intensité. Cette tranche de vie ne peut être concédée que si elle anticipe une libération des contraintes imposées par les conditions d’existence et écarte le risque d’aliénation. La dignité du travailleur, en plus d’être le fruit du travail, est aussi une condition à son accomplissement. Sitôt que le droit à la dignité pour tous est respecté, le droit à la paresse peut s’envisager.

Parce que la théorie du libéralisme économique se focalise sur l’objet échangé et non sur les acteurs de l’échange, elle transforme en simples marchandises toutes les ressources, y compris le travail, tous les produits et services issus du travail y compris ceux proposés par la puissance publique. Sur des marchés qui écartent toute contrainte et qui devraient auto-équilibrer l’offre et la demande, la liberté des acteurs est alors souvent entravée par les rapports de force. Libre-échange et échange libre ne sont pas synonymes. Souvenons-nous que le postulat de l’échange librement consenti a été à l’origine de l’activité économique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *