Ce texte est celui que j’ai lu le 04/09/2025 à la Maison Albert Schweitzer de Gunsbach pour commémorer le 60e anniversaire de la disparition du Prix Nobel de la Paix.
Merci cher Albert Schweitzer de m’avoir fait découvrir que le refus est heureux lorsqu’il porte un espoir.
Non, NON. Trois lettres pour exprimer le refus, une syllabe qui peut fermer les portes, un mot qui peut être une impasse. Petit garçon, c’est pourtant ce mot que je prononçais le plus souvent. Le refus allait-il me construire ? Ma maman s’en inquiétait.
Vous aussi, cher Albert Schweitzer, vous avez été rebelle toute votre vie. Mais votre “non” était immédiatement suivi d’un “oui”. Refuser sans renoncer. C’est ce que vous avez fait en découvrant la brutalité du colonialisme. C’est ce que vous avez fait en voyant la souffrance des malades en Afrique. C’est ce que vous avez fait en dénonçant le danger des essais nucléaires.
Cher Albert Schweitzer, comme vous, c’est dans la vallée de Munster que je me suis construit.
Veuve avec trois enfants, dont l’ainée avait 5 ans, ma maman a su répondre magistralement à la quête d’être du gamin qui disait “non”. Elle a su mettre en pratique votre exhortation : “ce n’est pas par une connaissance, mais par une expérience du monde, que nous arrivons à une relation avec lui”. Mon expérience dans la nature brute qui entourait le refuge où nous passions nos vacances m’a permis de découvrir le “oui” de la fleur qui colorie le pré lorsque la neige se retire, le “oui” du cri de l’oiseau qui, après la nuit, annonce le jour, enfin le “oui” à l’autre, à tous les humains.
Plus tard, cher Albert Schweitzer, vous m’avez appris le “oui” transcendant, celui de la vie qui veut vivre. Il m’a permis d’accéder à une spiritualité universelle, celle qui enfin peut rassembler tous les humains.
Votre “oui” transcendant a donné du sens au “non” qui a continué à m’habiter. Il justifie la révolte camusienne qui est devenue la colonne vertébrale de ma pensée : refuser mais ne pas renoncer. Il me semble être la voie pour guérir la folie du monde, celle que vous avez dénoncée bien avant les pythies désespérées d’aujourd’hui. Là où celles-ci prônent un retour à l’essentiel, vous invoquez l’élémentaire. Car il y a près d’un siècle déjà vous aviez annoncé que “l’abstraction est la mort de l’éthique”.
Merci cher Albert Schweitzer d’avoir montré que le “non” à tout ce qui abîme la vie doit être suivi d’un “oui” au respect de toutes les formes de vie. Alors pourront cesser les violences faites aux plus démunis et les outrages faits à la nature. C’est ainsi que les humains pourront répondre à leur quête d’être, d’être des humains.
Au nom de nos enfants et petits-enfants, merci cher Albert Schweitzer
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