2. Évolution vers l’être l’Humain

FOCUS
Pendant des millions d’années, la complexification d’une part des cellules du cerveau et d’autre part de la structure du cerveau vont successivement conférer aux Hominiens l’intelligence puis la pensée consciente. Mais c’est l’interaction entre les individus qui va faire émerger des valeurs communes et leur apporter la conscience d’être parmi d’autres consciences d’être. Par des sauts successifs, on va ainsi passer du monde purement physique à celui de la pensée. Cette évolution peut être vue comme le passage de la matière (les neurones) au spirituel (la pensée), du troupeau sans culture à la société, d’un tas inorganisé à un tout organisé. C’est donc non seulement un processus biologique qui nous fait naître, mais aussi la société toute entière qui nous engendre. Pour l’avenir, l’évolution de notre espèce sera principalement non-biologique et essentiellement culturelle. Soyons donc vigilants à la santé de notre société.
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L’évolution biologique qui a donné naissance à des organismes vivants ne s’est pas arrêtée lorsque sont apparus nos lointains ancêtres bipèdes avec lesquels nous partageons un certain nombre de caractéristiques.

 Apparition de l’intelligence

Au départ les traitements effectués dans le cerveau étaient purement mécaniques, déterminés physiquement par le réseau anatomique de neurones

C’est seulement il y a environ 1,6 million d’années qu’une première forme d’intelligence apparaît chez les hominiens qui avaient déjà près de 5,4 millions d’années d’existence, pour mémoire la première cellule était apparue environ 3,8 milliards d’années avant.

Puis un seuil est franchi dans la complexité du cerveau, cela va permettre à cet hominien de disposer d’une “machine universelle à comprendre” (expression de Stanislas Dehaene, chercheur en neurosciences).

Cette “machine universelle à comprendre” est un héritage du passé. Au cours de millions d’années, sous l’effet des contraintes et de la sélection, les cellules ont mémorisé l’évolution et permis l’émergence de cet organe de plus en plus complexe qui traite les informations et bien plus encore … car il va être capable de se développer au contact des stimuli de son environnement. Le cerveau s’auto-organise, il n’est pas seulement l’héritage d’une évolution passée. 

Notre “machine universelle à comprendre” est donc le produit et la mémoire de l’histoire de l’humanité, mais en même temps il est aussi le produit de nos perceptions présentes, de nos émotions et ce dès notre plus jeune âge.
En effet, le développement du cerveau humain est essentiellement post-natal, tant pour son volume (le cerveau d’un nouveau né a une taille d’environ 10 % de sa taille adulte) que pour sa structure. Ce n’est pas le cas chez les autres grands singes (pour un chimpanzé ce pourcentage est d’environ 50 %). Il en résulte que la structuration sociale du cerveau de l’Humain est fondamentale et beaucoup plus forte que pour les autres
espèces animales.

A partir des stimuli provenant de notre environnement le cerveau va stocker des informations brutes puis il va construire des représentations, des concepts, des simulations. La complexification particulièrement élevée du cerveau humain lui a permis de développer des fonctions réflexives capables de générer, à partir de données stockées, de nouvelles données et des données sur des données (métadonnées), de nouveaux concepts et des concepts de concepts (méta-concepts). C’est essentiellement par cet aspect que le fonctionnement du cerveau humain se distingue de celui des autres espèces vivantes.

Les neurosciences ont pu montrer que cette “machine universelle à comprendre” est en permanence en activité de jour comme de nuit, en dormant et même sous anesthésie. Pendant notre sommeil, le cerveau réalise un traitement très important, il consolide les informations enregistrées la journée. Avec un fonctionnement 24h/24 h, on comprend aisément qu’une grande partie des activités cérébrales se fait à notre insu, de manière inconsciente. Les images du cerveau ont montré que chaque zone du cerveau (zone des mouvements, des calculs, de l’attention, de la lecture, du son, de la peur …) possède une partie spécifique réservée à l’activité inconsciente. Dans un état cérébral inconscient, c’est le réseau anatomique du cerveau, comparable à un câblage, qui détermine les connexions et les traitements. Quel est le processus de la pensée consciente ?  

La pensée consciente

Dans un état conscient, l’activité cérébrale s’appuie également sur le réseau anatomique du cerveau mais peut s’en écarter pour choisir la zone du cerveau qui va être activée plus fortement selon le but poursuivi, selon les concepts mobilisés et selon les stimuli perçus. 

Pour les neurosciences l’état de conscience est défini par la possibilité de sélection  des zones cérébrales activées et une dynamique intense de l’activité cérébrale semblable à un embrasement généralisé.  Les technologies de l’imagerie du cerveau permettent d’observer ces phénomènes. Encore une fois, c’est l’interaction et l’ouverture qui font émerger une particularité essentielle de notre existence : l’état de conscience. Dans cet état, l’humain fait des choix, il interconnecte des données et/ou des concepts, ainsi est née cette faculté qui sera souvent au centre de mes futurs propos, la pensée consciente.

C’est ici qu’il faut se souvenir que notre “machine universelle à comprendre” évolue par la perception de notre environnement tout au long de notre existence. L’ouverture à notre environnement qui se manifeste notamment par la curiosité et une sensibilité acceptée et travaillée sont des conditions indispensables à la construction de notre “machine universelle à comprendre”. L’imagination, la créativité et une forme d’intelligence en seront les fruits. La liberté de penser, la liberté tout court en sont des corollaires.

Nous avons désormais la faculté de “penser” de manière autonome. L’humain est désormais dual : il a un corps, c’est sa dimension physique, mais aussi un esprit, c’est sa dimension spirituelle. Cette distinction peut servir à notre compréhension, mais cela ne signifie nullement que ces deux dimensions sont indépendantes. L’esprit a ses racines profondes dans la “machine universelle à comprendre”, produit de l’héritage génétique et culturel comme de l’expérience personnelle consciente ou non.

Si l’état “être conscient” permet de penser, est-ce suffisant pour accéder à la conscience d’être ? 

 La conscience d’être

La “conscience d’être” est probablement la particularité la plus prégnante de l’humain, celle qui le distingue peut-être des autres espèces du vivant. 

Quelle évolution a permis à nos ancêtres d’acquérir cette spécificité ? La première rupture il y a 4 milliards d’années qui a donné naissance à la cellule était une rupture biologique, puis toute l’évolution de la vie sera biologique sous l’effet du hasard et des contraintes. Une deuxième rupture aura lieu il y a (seulement) 40 000 ans environ, elle n’est plus liée aux gènes, elle est la conséquence de la vie en société. Pour la première fois, une évolution qui n’est plus biologique va marquer l’histoire de la vie

Elle se manifeste notamment avec l’émergence de cultures : valeurs communes et représentations partagées au sein d’un groupe. L’apparition de l’art à cette époque, d’un coup et en même temps dans diverses régions de la Terre, témoigne de cette évolution. 

Il a fallu attendre 1,5 million d’années pour passer d’une forme d’intelligence à la conscience d’être, l’Homo Sapiens avait alors déjà près de 250 000 ans. Isolés, les individus n’ont pas de culture même s’ils possèdent des capacités cognitives (un réseau de neurones). C’est dans l’interaction des individus par le biais d’échanges, de confrontations, de partages, d’oppositions que naissent une société et sa culture

Les fonctions réflexives du cerveau humain vont lui permettre de représenter ses propres représentations et celles des autres (l’art), de réfléchir à sa propre réflexion et à celle des autres  (la philosophie), d’avoir conscience de sa propre conscience et de celle des autres.  

Avoir conscience de son existence, de sa propre conscience et de celle des autres va conférer à l’humain une caractéristique qui, certes, l’enrichit, mais qui complexifie sa position dans la société. Le fait d’avoir conscience d’être perçu par d’autres consciences va lui renvoyer son image, il veut alors non seulement être mais aussi paraître. Les relations sociétales sont désormais complexes, le gouvernement d’une société devient un art délicat, voire très difficile. Alors que le comportement social chez les animaux comme l’insecte est entièrement inné, automatique, ce n’est plus le cas chez l’humain dont les institutions sociales, purement culturelles, ne pourront jamais atteindre la même stabilité. 

Vidéo « Conjugue le verbe être »

Éveiller ta curiosité 
Le cerveau et les neurones qui le composent ont été essentiels dans l’histoire qui a fait évoluer la cellule jusqu’à l’humain. Mais les chercheurs ont découvert un organisme unicellulaire (sans cerveau ni neurones) appelé le “blob” qui sait trouver son chemin dans un labyrinthe ou créer un réseau optimisé ou mémoriser et apprendre. Si l’intelligence est l’aptitude à résoudre un problème, le blob c’est-à-dire une cellule isolée possède de l’intelligence. Par ailleurs les chercheurs ont pu constater que le blob a un comportement social, il se crée une “culture” dans une société de blob, car le comportement des blobs est différent selon leur origine géographique.